Résumé : Marie-José Gasse-Grandjean a publié en ligne et uniquement en ligne le second volume de sa thèse consacré aux manuscrits vosgiens. Durant la première année après la mise en ligne, les réactions, venues de milieux divers, ont été très nombreuses, beaucoup plus importantes que pour une publication papier traditionnelle. Elle nous résume cette expérience.
Sommaire
Introduction : mesurer l’impact d’une publication
Une publication est toujours faite en direction d’un public que l’auteur et l’éditeur essaient de satisfaire au mieux. Se posent inévitablement les problèmes de recevabilité et d’adéquation de l’information fournie. Ce problème peut être traité en amont et en aval de façon beaucoup plus efficace grâce à l’informatique. L’expérience de la mise en ligne du second volume de ma thèse consacrée aux manuscrits vosgiens, après la publication sur papier du premier volume, a permis de comparer les deux modes de diffusion et de mesurer l’impact de l’édition électronique.
La revue de presse qui accompagna la publication du premier volume intitulé Les livres dans les abbayes vosgiennes du Moyen Âge (Nancy, 1992) avait fourni deux indicateurs sur la réception de l’ouvrage : des comptes rendus dans des revues spécialisées, et le nombre d’exemplaires vendus. Mais ces paramètres ne donnaient aucune information précise sur les lecteurs. La mise en ligne et l’informatique donnent une meilleure idée de l’impact de la publication et surtout fournit des moyens d’améliorer cet impact.
Impact en aval
Au point de départ de cette seconde livraison sous forme électronique, tout fonctionna comme une revue de presse traditionnelle. Une liste de diffusion fut établie pour faire la publicité de l’édition. Le réseau Ménestrel, qui avait réalisé cette édition électronique, contacta des institutions, des revues, des collègues historiens, des particuliers par mailing. Cette publicité fut relayée par d’autres diffuseurs comme Revues.org, Clionautes... Puis la liberté et la rapidité que procurent Internet et la messagerie électronique prirent le relais.
La mise en ligne donna lieu immédiatement à différents échanges, par le biais du mail. En découvrant le site, des lecteurs me demandèrent un complément sur tel manuscrit, tel article de catalogue ou me questionnèrent sur des méthodes d’enquête et de travail sur les manuscrits et dans les archives. Les questions étaient très précises. On me demanda simplement parfois la signification d’une expression latine ou les coordonnées du spécialiste du fonds ancien de telle bibliothèque. Un site américain ayant répertorié le site de ma thèse me demanda comment acheter le premier volume. Chaque fois un mail unique suffisait en réponse.
Puis les contacts et les demandes se diversifièrent. Un conservateur du département des manuscrits de la Bibliothèque nationale prit contact avec moi pour la préparation du second volume du catalogue des Manuscrits et incunables enluminés d’origine germanique. Il m’apprit que l’enluminure d’un bréviaire de l’abbaye vosgienne d’Etival pouvait être rapprochée de la peinture d’incunables strasbourgeois et bâlois. Nous échangeâmes nos points de vue autour d’un certain Albert d’Etival qui fut prieur de Weinbach et fournissait une piste de recherche. Les demandes débordèrent parfois le cadre médiéval. On m’interrogea à propos d’un manuscrit moderne écrit par un religieux enseignant à l’abbaye de Moyenmoutier et desservant une cure romarimontaine. Les divers circuits des livres vosgiens à l’époque moderne constituèrent une amorce de réponse. La mise en ligne fut aussi l’occasion de contact avec une association culturelle pour un prochain cycle de conférences ; des étudiants nancéiens frappèrent à ma porte pour en savoir plus sur la mise en ligne sur le serveur de Nancy 2, et sur la norme DublinCore...
Ces demandes plus variées, moins ponctuelles, ont débouché sur des relations plus suivies, des échanges d’informations entre historiens, spécialistes de l’enluminure, bibliothécaires, étudiants ou simples passionnés. Après une année, les contacts sont moins fréquents. Toutes les questions posées, tous les échanges auraient pu se faire certes par voie postale, mais il ne fait aucun doute qu’Internet fut le générateur de contacts plus nombreux, plus spontanés, plus efficaces.
Il y eut aussi les simples félicitations pour l’ouvrage accompli, faciles à faire certes par mail, mais très encourageantes pour un travail pionnier.
Impact en amont
L’informatique offre une autre manière de mesurer l’impact de cette édition électronique. À l’issue d’une première année de mise en ligne, les statistiques de connexion fournissent de précieuses informations.
La connexion se fait très massivement via la liste des manuscrits et les notices de ces manuscrits. En août dernier par exemple, 2502 requêtes aboutirent vers la liste des manuscrits, 1173 vers une notice particulière, tandis que les autres pages dont la page d’accueil (132 connexions) comptabilisaient moins de 150 connexions. C’est donc le catalogue des manuscrits conservés, organisé en base de données, qui est le plus consulté. Les outils aidant à l’interrogation de cette base, soit les indices et le formulaire d’interrogation arrivent en seconde position dans ce palmarès des URL. Puis vient la bibliographie.
Nous aurions aimé poursuivre l’enquête mais il n’a pas été possible d’obtenir des statistiques plus précises, par référents, mots-clefs, navigateurs ou pays par exemple. Le serveur de Nancy 2 préférant souligner que la page proposant la liste des manuscrits était classée au top 30 de 13402 URLs en août dernier !
Ce succès de la base de données et les nouveaux contacts générés récompensent bien mieux des efforts engagés et surtout font mesurer l’importance de deux options en matière d’édition et de lecture numériques : la déstructuration puis instrumentation de la documentation, et l’interactivité.