Le Médiéviste et l’ordinateur
Le Médiéviste et l’ordinateurHistoire médiévale, informatique et nouvelles technologies
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N° 43, 2004 : L’édition électronique > comptes rendus > éditions savantes

Le site Brepolis : compte rendu d’une journée de présentation
tenue le 20 novembre 2003 à l’IRHT

Auteurs

Dominique Poirel
Institut de Recherche et d’histoire des textes
site : http://www.irht.cnrs.fr

Citer cet artcile

D. Poirel, « Le site Brepolis : compte rendu d’une journée de présentation tenue le 20 novembre 2003 à l’IRHT », Le Médiéviste et l’ordinateur, 43, 2004 [En ligne] http://lemo.irht.cnrs.fr/43/43-07.htm

Mots clés

éditions savantes, latin médiéval, cédérom ou site, supports, encyclopédies

Résumé : Le 20 novembre 2003, s’est tenue à l’IRHT une journée sur le site Brepolis mis en œuvre par les éditions Brepols. Après la présentation des différents aspects du site, des discussions très fructueuses ont eu lieu entre chercheurs et éditeurs, avides de travail en commun

Sommaire :

Introduction

Le 20 novembre 2003 s’est tenue à l’Institut de recherche et d’histoire des textes une table ronde consacrée au site Brepolis des éditions Brepols. En présence de M. Paul De Jongh, directeur de Brepols Publishers, des directeurs éditoriaux, MM. Luc Jocqué, Christophe Lebbe et Chris VandenBorre, du Prof. Paul Tombeur, directeur du centre Traditio Litterarum Occidentalium (successeur du CETEDOC) étaient présents une trentaine de collègues scientifiques, venus notamment de la Bibliothèque nationale de France, de la Commission léonine, de l’École normale supérieure, de l’École pratique des hautes études et de l’Institut de recherche et d’histoire des textes.

L’objectif de la journée était de faire dialoguer des éditeurs privés, mus par une logique commerciale mais jouant un rôle de pionnier dans l’édition en ligne de bases de données érudites, et, d’autre part, des historiens ou philologues intéressés, comme concepteurs ou plus simplement comme utilisateurs, par ce nouveau type d’instruments. Ce dialogue semblait particulièrement nécessaire au moment où les ressources électroniques se multiplient sur internet.

Du cédérom à l’Internet

En effet, tandis que dans les années 1990 environ l’arrivée du cédérom avait été solennisée par de nombreuses démonstrations en colloque ou dans diverses rencontres, le passage du cédérom à l’édition en ligne s’opère en ce moment même de façon silencieuse et anodine, sans peut-être que les enjeux scientifiques en soient suffisamment perçus et discutés par la communauté scientifique. Au fond, entre l’utilisation d’Internet et celle d’un cédérom en réseau, l’utilisateur peut avoir l’impression que rien n’a vraiment changé : il continue de demander et d’obtenir des données depuis son ordinateur. En réalité, les différences sont importantes.

D’abord, la mise en ligne semble déboucher sur une plus grande diffusion. Les cédéroms érudits sont souvent coûteux, en sorte qu’ils sont généralement acquis par un petit nombre d’institutions spécialisées. Avec la mise en ligne, il est techniquement possible d’accéder aux mêmes ressources depuis n’importe quel ordinateur relié à internet. Techniquement, car reste bien sûr la question de l’abonnement.

Avec les bases en ligne, les questions de capacité ne se posent plus de la même manière. Le cédérom possède une mémoire limitée, qui sera peut-être développée encore par le DVD, mais il s’agit toujours d’une place physiquement finie. Avec les bases en ligne, cette question de capacité mémoire n’est plus un problème. En revanche, il importe que chaque utilisateur dispose d’un ordinateur performant pour abréger au maximum la durée des échanges de données.

Enfin, et c’est peut-être le plus important, le regroupement d’instruments en ligne sur un même site, scientifique, comme ceux de la Bibliothèque nationale de France, de l’École des Chartes et de l’IRHT, ou commerciaux comme celui de Brepols, offre à terme la possibilité de tisser des liens d’une base à l’autre, de passer par exemple d’un article d’encyclopédie sur un auteur du Moyen Âge, à la bibliographie courante à son sujet, puis au texte en ligne de ses écrits, puis à la liste des manuscrits qui transmettent chacune de ses œuvres.

Comme c’est à présent que se prennent certaines décisions, il semblait donc bon que les deux communautés, éditeurs d’un côté, concepteurs et utilisateurs de l’autre, se rencontrent pour faire connaître à ceux-ci ce qui existe déjà, mais aussi faire remonter leurs attentes auprès de ceux-là.

La matinée était consacrée à des exposés généraux sur Brepolis et à des démonstrations des différentes ressources en ligne : In Principio, Ut per litteras apostolicas, Vetus Latina Database, Brepolis Latinitas, Brepolis Medieval ; l’après-midi à des tests en petits groupes sur les mêmes ressources, puis à un temps de discussions regroupées. On retiendra surtout ici les exposés ou questions portant, non pas sur tel ou tel produit, mais sur le principe général de la mise en ligne.

Stratégie éditoriale

C’est le sujet principal de l’exposé inaugural de Paul De Jongh, consacré à la stratégie éditoriale de Brepolis. N’étant liée ni à un grand groupe éditorial, ni à une université, Brepols jouit d’une certaine indépendance qui lui permet de publier des auteurs internationaux en cherchant à concilier qualité et rentabilité. Son but se résume en trois mots : être pour la communauté scientifique un partenaire fiable, efficace et honnête.

Dans cette perspective, les nouvelles technologies ne sont pas un but en soi. Pour accepter d’éditer un produit en ligne, les mêmes exigences s’appliquent que pour un livre. Touchant le mode de publication, il faut peser les avantages et les inconvénients, aborder certaines questions : s’agit-il d’un projet nouveau ou « recyclé » ? Qui supportera le coût ? L’information est-elle structurée ou non ? D’autre part, la demande des clients influe sur certaines décisions. Ainsi, aux États-Unis, où se sont constitués des réseaux d’universités, un produit en ligne isolé n’intéresse guère : il faut proposer des ensembles articulés.

Par rapport aux supports antérieurs, l’édition en ligne comporte avantages et inconvénients, comme le résume le tableau suivant :

En ligne : la valeur ajoutée du point de vue de l’utilisateur et de l’administrateur l’imprimé la microfiche le cédérom et le DVD en ligne
accès ++ + +++ ++++
gestion et maintenance ++ + ++ ++++
possibilités de recherche + ++ +++ ++++
possibilités de mise à jour + + ++ ++++
capacité + ++ +++ ++++
possibilités collaboratives ++ + + ++++
exportation + + ++++ ++++
protection des données ++ + ++ ++
lisibilité ++++ + ++ ++
indépendance technologique ++++ +++ + ++
indépendance interne ++++ +++ + ++
archivage +++ ++++ ++ +

Réalisation

Lorsqu’un projet se met en place, un dialogue s’instaure entre deux responsables, l’un du côté de l’institution scientifique, l’autre du côté de Brepols. Une première phase consiste à décrire les données, la méthode de recherche et l’interface souhaitée et à fournir des données de test et se conclut par la rédaction d’un cahier des charges, support d’une analyse informatique. C’est alors qu’est arrêtée la définition du projet. La structure des données une fois décidée, commence la programmation, puis l’indexation de l’ensemble des données, puis la réalisation de l’interface. Un prototype est alors réalisé, pour être mis à l’épreuve et corrigé. Au contraire du cédérom, on ne rédige pas de manuel, mais une aide est disponible en ligne.

Sauvegarde et site serveur

Comme les horaires de connexion diffèrent en Europe et aux États-Unis, il n’y a pas chaque jour un temps creux pour faire évoluer les bases. Il faut donc garantir le fonctionnement permanent du site Brepolis. Le serveur est donc au carrefour de six réseaux Web : si l’on tombe en panne, son contenu est aussitôt récupéré sur un autre réseau. Des copies sont en outre effectuées sur d’autres serveurs, notamment au Luxembourg. Un travail permanent est nécessaire pour installer les versions nouvelles des logiciels, pour refaire l’indexation à chaque chargement de données nouvelles. Les utilisateurs sont authentifiés de deux façons, par une adresse IP, c’est-à-dire par machine ou par une adresse ID-MP, c’est-à-dire par personne au moyen d’un mot de passe.

Les « vérités Web » de Brepols sont :

Actuellement, les ressources en ligne sont très demandées aux États-Unis et dans les pays nordiques. En France et en Belgique, la demande augmente sensiblement depuis un an environ. En Italie et en Espagne, elle reste faible.

Structure du futur site Brepolis

structure du site Brepolis

Actuellement en ligne :

In principio : incipitaires des textes latins (IRHT, HMML. à Collegeville et BNF à Paris), également disponible sur cédérom.

Projets futurs :

Questions posées et remarques diverses :

À propos de la différence entre cédérom et consultation en ligne : Si l’on achète un cédérom sans s’abonner ensuite aux mises à jour, on garde du moins le cédérom et les informations qu’il contient. Tandis qu’on s’abonnant à une base de données en ligne, on est condamné à s’abonner indéfiniment, sous peine de perdre d’un coup la totalité des informations.

C’est vrai : le cédérom est un produit, tandis que la consultation des bases de données en ligne est un service. Cette différence donne lieu à des contrats de deux natures différentes. Cela dit, les bases de données disponibles sur Brepolis sont proposées sur l’un et l’autre mode, ce qui laisse le choix au client.

Quelle est la fréquence des mises à jour et quel en est le coût ?

Cela dépend des bases de données et de leur complexité. IMB fait l’objet de quatre mises à jour par an. Chaque mise à jour donne lieu à une nouvelle indexation qui revient à 1500 euros.

Brepols assure-t-il lui-même le travail informatique nécessaire pour la construction, l’entretien et l’évolution du site Brepolis ?

La décision a été prise de ne pas effectuer toutes les opérations chez Brepols, mais de sous-traiter une partie du travail. Comme les technologies évoluent très vite, il serait coûteux et dangereux de se spécialiser dans l’une ou l’autre, pour peut-être en changer très vite. En pratique, Brepols a des informaticiens, mais ils jouent surtout le rôle d’interlocuteurs vis-à-vis de sociétés spécialisées en informatique.

Le nom d’« Encyclopédies médiévales » est trompeur : on s’attend à trouver de l’information sur Vincent de Beauvais, alors qu’il s’agit d’« Encyclopédies sur le Moyen Âge »

Ce nom résulte d’une traduction de l’anglais. S’il n’est pas possible de le changer tout de suite, ce sera fait dans le futur. La page d’accueil de Brepolis est elle aussi destinée à évoluer.

Il serait bon d’indiquer aux utilisateurs comment citer les articles en ligne, comme ceux du Lexikon des Mittelalters.

La spécialisation croissante des recherches – thèses sur un auteur seulement – rend utile d’autres produits, moins généralistes et donc meilleur marché, comme ces microfiches couvrant le vocabulaire d’un auteur. Que propose Brepols pour permettre à des étudiants au budget resserré d’acquérir un outil moins riche par exemple que le CLCLT, mais suffisant pour une recherche limitée ? Par exemple, pourquoi ne pas mettre en vente des cédéroms offrant la partie du CLCLT consacrée à un seul auteur ?

Cette proposition est en effet séduisante : Brepols va l’étudier.

Même pour un utilisateur qui utilise couramment les bases présentées, la démonstration était fort instructive. On se rend compte en effet qu’on n’utilise qu’une petite partie de leurs possibilités et qu’il y a plus dans leur intégration au site Brepolis qu’une simple juxtaposition de leurs possibilités respectives. L’ensemble des ressources ainsi proposées ouvre des perspectives passionnantes de croisement et d’interactivité. Mais comment les bases évolueront-elles ? Qui fait en définitive les choix scientifiques ?

Les choix scientifiques concernant chaque base sont discutés et décidés en commun par l’institution scientifique qui la produit et Brepols Publishers qui l’édite. Quant à la direction d’ensemble du site Brepolis, il y a d’autre part des réunions éditoriales qui réunissent tous les directeurs éditoriaux de Brepols. C’est là que sont prises les décisions communes.

De l’avis général, le site Brepolis est bien plus que la somme des ressources en ligne qui le composent et tend à devenir une sorte de « superbase » avec des liens transversaux. Dans ces conditions, pourquoi ne pas introduire au niveau supérieur la collaboration qui existe déjà, pour chaque base particulière, entre Brepols et la communauté scientifique ? La création d’une sorte de conseil scientifique, interlocuteur de la direction éditoriale de Brepols, permettrait de relayer les attentes des utilisateurs et former comme de vivier de propositions sur l’avenir du site.

La construction du site Brepolis doit beaucoup au dialogue avec les partenaires scientifiques. Sans doute, Brepols souhaite conserver sa liberté de choix sur le site qu’il a créé, mais l’idée d’un conseil scientifique sera examinée favorablement.

En savoir plus

Site web de Brepols Publishers :
http://www.brepols.net

Site Brepois d'édition en ligne
http://www.brepolis.net

Présentation des éditions électroniques de l'IRHT réalisées avec Brepols (Lettres pontificales et Incipitaire latin)
http://www.irht.cnrs.fr/
publications/numeriques.htm

Programme de la journée du 20 novembre 2003
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