Le Médiéviste et l’ordinateur
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N° 43, 2004 : L’édition électronique > comptes rendus > corpus

Bibliothèques et édition électronique.
La bibliothèque électronique de Lisieux, un simple atelier de copiste

Auteurs

Olivier Bogros
olivier.bogros@wanadoo.fr
Bibliothèqe municipale de Lisieux

Citer cet artcile

O. Bogros, « Bibliothèques et édition électronique. La bibliothèque électronique de Lisieux, un simple atelier de copiste », Le Médiéviste et l’ordinateur, 43, 2004 [En Ligne] http://lemo.irht.cnrs.fr/43/43-10.htm

Mots clés

Bibliothèque virtuelle, site, bibliothèque publique, numérisation, fonds patrimoniaux

Bibliothèque de Lisieux
Beaunis, Pierre (1580-1630), Le Tou-Beau Feu de la Memoire du Seigneur Mareschal de Farvaques, Rouen, Marin Michel, Imprimeur demeurant prés la grande croche, 1614.

Résumé : La Bibliothèque municipale de Lisieux a été pionnière en matière d’édition électronique. Elle met actuellement à disposition plus de 700 textes de cent auteurs différents numérisés en mode texte : elle donne ainsi une image de son fonds patrimonial. Cette réalisation se caractérise par son pragmatisme et sa modestie qui n’en ont pas moins abouti à une belle réalisation.

Sommaire :

Introduction

La banalisation des techniques numériques et le développement de l’Internet font qu’aujourd’hui de nombreuses bibliothèques publiques françaises se sont déjà engagées dans des projets de numérisation de collections patrimoniales, afin de les mettre à la libre disposition des usagers potentiels sur le réseau poursuivant et affirmant ainsi leur rôle de pourvoyeuses de textes.

Une convergence d’opinions veut voir dans cette appropriation par les bibliothèques des technologies numériques et leur expression sur le web comme une nouvelle vocation pour ces établissements : l’édition. Mais en tant que telle la numérisation et la mise en ligne de textes ne sont pas, nous semble-t-il, des actes d’édition : « Les expériences actuelles françaises sont essentiellement des reprises de documents existants (fonds anciens, ouvrages classiques numérisés, mémoires et thèses). Il n’y a pas réellement de travail éditorial sur ces fonds numérisés au sens d’une interaction forte entre un directeur de collection et un auteur pour mettre au point un ouvrage. Il s’agit essentiellement de mise en forme numérique sur un plan technique. » 1

La bibliothèque municipale de Lisieux propose depuis juin 1996, sur un site dédié (http://www.bmlisieux.com/), une collection virtuelle de textes littéraires et documentaires du domaine public, de langue française. Ce site participe avec d’autres, institutionnels, associatifs et personnels, à la mise à disposition sur le réseau, pour tous et sans condition, d’une partie du patrimoine littéraire francophone. En mai 2004, on y recense environ 700 textes de plus d’une centaine d’auteurs.

Des choix techniques basiques

Les choix techniques de la bibliothèque municipale de Lisieux en matière de numérisation de documents imprimés se caractérisent par une faiblesse d’ambition, de moyens et de financement : des outils de base, quelques compétences locales et le désir de mettre la main à la pâte pour se lancer dans une expérience d’animation littéraire du web qui n’avait aucune raison de se prolonger. Le choix du mode texte, en l’absence de tout autre possible, s’est donc imposé naturellement pour une « numérisation à la suite » (pas de corpus défini ou définitif), réalisée en interne et sur fonds propres.

Il est procédé deux jours par an à une sélection d’œuvres littéraires et documentaires susceptibles d’être intégrées dans la bibliothèque électronique, soit 50 à 60 textes. Cette sélection s’effectue non à partir du catalogue mais par immersion dans les collections en magasins. Quelques documents proviennent aussi de collections privées. Ne sont retenus que des textes courts mais intégraux d’auteurs français réputés être du domaine public.

Pour chaque œuvre sont d’abord rassemblés quelques éléments d’identification pour l’établissement d’une notice bibliographique qui sera placée en tête du texte.

On sait que contrairement à une numérisation en mode image qui permet une reproduction fidèle d’un document, le mode texte conduit à une représentation ou reconstruction du document original. Aussi une lecture préalable du texte est nécessaire pour fixer quelques consignes pour la saisie : la pagination de l’édition suivie n’est pas maintenue, les illustrations, sauf exception, ne sont pas reproduites, l’orthographe, même fautive, et la graphie de l’édition sont conservées Pour les textes plus anciens on restitue les i/j, u/v, les « s » longs et on résout les abréviations pour permettre un traitement informatique du texte.

Il ne s’agit donc pas d’établir une édition scientifique, simplement de trouver un compromis entre le respect du texte et les exigences informatiques.

La saisie des textes au clavier à partir de l’exemplaire ou d’une photocopie est faite dans un simple éditeur de texte, sans mise en page particulière : enregistrement au format texte (ASCII), saut de ligne entre chaque paragraphe, même pour les dialogues. Les notes de bas de pages sont regroupées en fin de texte.

Après la saisie, un premier balayage du fichier avec un correcteur orthographique révèle les principales fautes de frappe qui sont immédiatement corrigées. La relecture ligne à ligne s’effectue avec l’exemplaire ou sa copie et la sortie imprimée de la saisie. Cette opération longue et essentielle permet de signaler encore quelques fautes de frappe, mais surtout de vérifier l’intégralité de la saisie par rapport au texte original. Elle permet aussi de corriger les modifications spontanées du copiste visant à moderniser le texte. Les textes présents sur le site ne sont pas parfaits et des fautes résiduelles nous sont régulièrement signalées.

Les dernières corrections faites, le fichier d’origine est sauvegardé. Une copie va être encodée en HTML. Il est prévu à terme un passage vers le XML par conversion/épurement de tous les fichiers à l’aide d’un logiciel « moulinette ». La mise en page est basique. Les pages sont statiques, permettant ainsi leur indexation par les moteurs de recherche généraux ou spécialisés et les portails littéraires. Là encore, quelques règles sont établies : le texte est présenté sur une seule page, les caractères accentués ne sont pas systématiquement rendus sous forme d’entités HTML, les navigateurs maintenant assez permissifs sur ce point n’obligent plus à l’encodage. Aucune police n’est imposée, le texte se présente dans le navigateur de l’usager avec la police par défaut, les paragraphes sont justifiés, le texte est enrichi par la pose de balises ad hoc et la création, si nécessaire, de liens internes pour les appels de notes et la mise en relation hypertextuelle avec d’autres textes déjà en ligne.

Depuis mai 2000, des méta données de type Dublin Core sont intégrées dans le fichier. On peut bien sûr s’interroger sur l’utilité actuelle des méta données D.C., qui ne sont utilisées que par des moteurs de recherche très spécialisés.

On procède ensuite à un test de rendu de la page par affichage des fichiers sur des écrans en différentes résolutions (de 640x480 à 1024x768) et dans différents navigateurs.

Les nouveaux textes sont chargés sur le serveur en milieu de mois, puis dupliqués dans une base textuelle, LexoTor
[http://www.chass.utoronto.ca/epc/langueXIX/lexotor/], ouverte sur un serveur de l’université de Toronto qui offre la possibilité d’effectuer des recherches sur le corpus lexotien : on peut ainsi voir et examiner tous les contextes d’un mot, d’un nom de lieu ou de personne, dans l’ensemble des textes.

Enfin, les pages de liaison (page d’accueil, table des auteurs, page index des rubriques) mises à jour plus tardivement sont chargées en fin de mois.

Un contenu hétéroclite

La bibliothèque municipale de Lisieux, ouverte en 1837, ne détient aucune collection prestigieuse ou de grande ampleur. On y trouve bien quelque manuscrit médiéval enluminé, deux ou trois incunables et quelques centaines de volumes du xvie au xviiie siècles, souvenirs des bibliothèques ecclésiastiques de la ville évêché : somme toute rien que de bien normal.

Le projet de collection virtuelle s’est plutôt attaché, ici, à mettre en valeur un patrimoine relativement banal : celui des plaquettes anodines, des tirés à part de revues, des prospectus d’édition et des recueils de nouvelles publiés en quantité au xixe siècle.

Les premiers textes retenus et republiés ont été pris dans l’œuvre des grands écrivains français souvent d’origine normande : Allais, Flaubert, Maupassant, Mirbeau, Gourmont… Dans le même temps, pour enraciner le site dans sa réalité locale, des textes représentatifs du fonds normand ont aussi été mis en ligne. Les mises à jour mensuelles (5 à 6 textes) essaient de respecter un équilibre entre documents d’intérêt régional et littérature générale. Au fil des mois, le site s’est structuré en plusieurs rubriques pour permettre une orientation plus facile dans le corpus de textes disponibles : la sélection mensuelle et ses archives, le rayon littéraire, le fonds local et le rayon documentaire, qui se donne la liberté de redécouvrir des œuvres totalement épuisées et rares, aux contenus excentriques et improbables.

On l’aura bien compris le propos est moins de fournir une énième version des sempiternelles œuvres des auteurs canoniques que d’offrir à la lecture des textes que l’on ne chercherait peut-être pas mais que l’on regretterait de ne pas connaître. À titre d’exemple la liste des nouveautés du mois de mars 204 est révélatrice de nos choix :

La sélection mensuelle :

L’article du mois :

Le rayon documentaire  :

Le rayon bibliographique et divers :

Le rayon normand  :

L’architecture du site et son habillage invitent le lecteur internaute à se promener dans les rayons pour y faire son miel. Un simple index des auteurs et anonymes permet de retrouver rapidement tous les textes disponibles.

Conclusion

La bibliothèque électronique de Lisieux a su trouver une place sur le réseau. Mais ce succès relatif est, si l’on peut dire, un succès par défaut. Celui d’une présence encore trop faible des bibliothèques aux fonds anciens importants sur le réseau. Il est temps de constituer des bibliothèques numériques à vocation régionale, qui pourraient mettre en valeur les formidables, et quelquefois insoupçonnées, richesses des bibliothèques municipales de province.

La bibliothèque électronique de Lisieux témoigne de ce qui peut être proposé en matière de diffusion du patrimoine écrit par de petites structures. Il ne s’agit pas d’un modèle mais d’une alternative possible.

En savoir plus

http://www.bmlisieux.com/

Notes

1 Pierre Le Loarer, « L’édition électronique : rôles des médiateurs et nouveaux rapports au savoir », Publications et lectures numériques : problématiques et enjeux, colloque organisé par l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (Université de Montréal), 14 mai 2002, 70e Congrès de l’Acfas à l’Université Laval. [En ligne] http://www.ebsi.umontreal.ca/rech/acfas2002/le_loarer.pdf