Le Médiéviste et l’ordinateur
Le Médiéviste et l’ordinateurHistoire médiévale, informatique et nouvelles technologies
n° 42 (Printemps 2003) : La diplomatique

Éditorial

La diplomatique est une discipline ancienne ; on pouvait penser a priori qu’elle résisterait à l’informatique. Les règles d’analyse, de critique et d’édition minutieusement et solidement établies, la prégnance de certains modèles d’étude et d’édition, la recherche dans les services d’archives au contact direct des actes, la tradition de la belle édition papier avec fac-similés auraient pu laisser les diplomatistes à l’écart des moyens informatiques. Et pourtant, dès les années 1970, des pionniers comme le CRAL de Nancy (Centre de Recherches et d’Applications Linguistiques de Nancy 2 fondé par Jean Schneider) ou le CETEDOC de Louvain (Centre de Traitement Electronique des Documents, sous la direction de Paul Tombeur) ont lancé les premiers programmes de traitement automatique des chartes. Leur exemple fut cependant peu suivi.

Parallèlement, comme les autres chercheurs, certains diplomatistes se formèrent à la micro-informatique. Aujourd’hui les logiciels de traitement des textes et de l’information, de BDD, de numérisation, de retouche d’image, de navigation Internet sont utilisés par beaucoup. Cette informatisation à l’échelon individuel soutenue par des projets institutionnels ouvre de nouvelles perspectives. Les services d’archives, les bibliothèques, la recherche, l’enseignement, les éditeurs s’intéressent aujourd’hui à la programmation pour le traitement des données, à la numérisation documentaire et au Web. Ces nouveaux projets et les expériences qui se multiplient, définissent peu à peu des traitements informatiques spécifiques pour la diplomatique.

Grâce à l’informatique, les textes diplomatiques sont devenus plus accessibles. Une fois dépassées les appréhensions de départ, l’informatique se révèle être un outil précieux pour ces textes à la fois très normatifs et très divers. Les historiens essaient de mettre au point de nouveaux outils d’interrogation. Les non-historiens, les géographes, les linguistes, les philologues interrogent de plus en plus ces actes juridiques. Les sites fournissant des éditions d’actes ou des études commencent à être plus nombreux. Le Web devient un bon moyen de connaître les outils en préparation et consultables in situ, de publier rapidement des résultats. Les enseignants proposent des cours de diplomatique et paléographie en ligne, des commentaires de documents, des éditions d’actes, des bibliographies critiques (voir en particulier le site de l’École nationale des Chartes, http://www.enc.sorbonne.fr/coursenligne.htm). Des logiciels commerciaux sont adaptés à des problématiques diplomatiques (DjVu, Idealist). Des expériences comme celle d’Ingrid Heidrich montrent qu’édition traditionnelle et informatique peuvent être complémentaires. Les tables rondes et projets fleurissent autour de la numérisation documentaire, et le problème délicat des droits de reproduction est soulevé. Les éditeurs fournisseurs de CDRom revoient leur politique éditoriale. Diplomatique et informatique marchent de concert, saisissant cette fois le nouvel élan.

Aussi il a semblé utile que le Médiéviste et l’Ordinateur dresse un premier panorama de ces expériences diplomatiques et informatiques en Europe et outre-atlantique. Certaines sont anciennes, ont produit et continuent à produire différents résultats. La situation, cependant varie considérablement d’un pays à l’autre. La plupart des expériences réalisées concernent surtout la méthodologie, comme le projet canadien DEEDS, les projets allemands et français de numérisation des diplômes, les bases de données de l’ARTEM et de l’IRHT, dont les produits et les outils historiques sont déjà bien connus et utilisés (cf. « 1. Diplomatique et méthodologie informatisée »). D’autres expériences, allemandes, américaines, anglaises, italiennes, néerlandaises… sont au stade de projets, mais elles posent plus directement le délicat problème des moyens, des personnes, des matériels et des crédits nécessaires (« 2. Panorama des expériences nationales »). Le tour d’horizon n’est pas complet. Nous essaierons d’esquisser un bilan dans la conclusion en évoquant en particulier les situations polonaises et espagnoles.

 

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