+ Le Médiéviste et l'Ordinateur numéro 42 : La diplomatique : Conclusions
Le Médiéviste et l’ordinateur
Le Médiéviste et l’ordinateurHistoire médiévale, informatique et nouvelles technologies
n° 42 (Printemps 2003) : La diplomatique

Conclusions

Le rythme impitoyable du développement informatique rend difficile et bien éphémère tout bilan. Essayons pourtant de tirer quelques conclusions de ce foisonnement d’expériences.

Des produits existent, toujours plus accessibles. Des CDRoms mettent à disposition une masse importante de chartes, belges (Thesaurus Diplomaticus, Chartrier des comtes de Namur), italiennes (Liber Matriculae de Vercelli, Atti del Commune di Milano), polonaises (Katalog fotografii dokumentów średniowiecznych Zakładu Nauk Pomocniczych Historii i Archiwistyki Uniwersytetu Jagiellońskiego) de bulles (LITPA)… [1] D’autres CD-Roms sont en préparation. Les recherches menées par le Consejo Superio de Investigaciones Científicas espagnol sur les fonds d’archives du monastère San Pedro de Arlanza seront publiées prochainement sur un CD-Rom utilisant XML. Piotr Rabiej annonce l’édition des chartes de Boleslas le Pudique, prince de Cracovie (1243-1279) pour la fin de cette année.

Des produits composites apparaissent aussi. Comme l’édition des actes de Verceil disponible à la fois sur CD-Rom et sur le Web [2], ou l’édition des actes des Arnulfiens [3] sur le double support Web et papier. On recherche des solutions nouvelles pour toujours mieux répondre aux besoins. Le Web s’impose de plus en plus pour proposer non seulement des textes diplomatiques, mais aussi maintenant des reproductions de qualité, des revues spécialisées, des espaces de débat sur les techniques informatiques.

Mais ce sont surtout les projets qui abondent : les projets d’édition électronique et de numérisation se multiplient en France (voir l’article d’O. Guyotjeannin et G. Poupeau), en Allemagne (N. Brousseau, S. Barret), aux Pays-Bas (K. Heidecker), en Amérique (B. Bedos-Rezak), en Italie (M. Ansani), en Espagne [4]. Les revues Tabularia [5] et Scrineum [6] dépassent leur statut de revues spécialisées, en proposant des éditions d’actes, des dossiers thématiques pour susciter le débat. Des services de conservation comme la Bibliothèque nationale de France ou plus récemment la Bibliothèque universitaire de Lille 3 numérisent des éditions de cartulaires. Des corpus de chartes, des cartulaires, des reproductions, des études diplomatiques, des conseils sont chaque jour mis en ligne. La masse de documentation devient importante.

De chacune de ces expériences, il ressort qu’Internet est de plus en plus utilisé comme support de recherche et de publication. Si chaque produit ou projet souligne l’intérêt de BDD élaborées (ex. : l’édition du Cartulaire Blanc a prévu un volet documentaire, un volet iconographique et un index), de DTD et du XML (ex. : DTD simple présentant les divisions des textes diplomatiques lombards) pour gérer le documentaire et le texte diplomatique, les avantages multiples de la mise en ligne retiennent beaucoup l’attention. On met en avant la mise à disposition rapide de la documentation (souvent dispersée), d’informations et d’outils — la possibilité de modifier, d’augmenter la documentation (ex. : les commentaires et additions à l’édition des actes des Arnulfiens via le mail), de publier des travaux en cours de manière provisoire, de travailler en réseau, — la volonté de promouvoir débats et collaborations (ex. : la collaboration nouvelle entre archivistes et bibliothécaires aux États-Unis) — le besoin de combler efficacement et rapidement les vides laissés par l’édition traditionnelle — mais aussi une solution éditoriale moins coûteuse (Karl Heidecker et I. Heidrich).

Cette utilisation accélérée d’Internet, le savoir-faire existant (M.-J. Gasse-Grandjean, P. Bertrand, N. Brousseau), l’ouverture vers d’autres disciplines (voir l’utilisation des statistiques par M. Gervers dans le projet DEEDS) sont des atouts forts. Mais ils révèlent aussi l’étendue et la complexité des problèmes. La discipline diplomatique s’affranchit à peine d’une histoire et de procédures traditionnelles. Dans le seul domaine de l’édition électronique, les produits reflètent souvent cette tradition pesante.  Si en Allemagne la tradition forte d’édition de textes et de régestes s’est bien adaptée aux nouveaux outils informatiques, aux États-Unis l’organisation des archives et des études médiévales et le vocabulaire référentiel inadapté nuisent respectivement au développement informatique et à la simple navigation sur Internet. Trop souvent encore les éditions diplomatiques électroniques reprennent des schémas de l’édition traditionnelle alors que l’informatique permet beaucoup plus.

Les problèmes informatiques sont réels. Quiconque « s’est frotté » de près ou de loin à la mise en ligne d’un document comprend très vite que les problèmes sont de nature très diverse dans ce seul domaine. Hormis les questions juridiques générales de protection intellectuelle ou des droits de reproduction (dont il faudra bien se préoccuper), les contraintes techniques restent importantes. Le codage des textes, les possibilités offertes par l’informatique libre (F. Cauche, O. Guyotjeannin et G. Poupeau, N. Brousseau), les moyens matériels plus généralement restent mal connus. Des expériences personnelles, la création de sites par les équipes de recherche ont sensibilisé tout un chacun à une autre catégorie de problèmes liés à la consultation sur Internet (résolution d’écran, débit, modes de consultation, sélectivité, repérage à l’écran, traduction, images manipulables, aide en ligne…). L’ère est à l’outil dynamique, au meilleur service de l’utilisateur et du producteur, évolutif. On ne peut plus s’accommoder d’une situation où l’historien se « fait informaticien » au besoin. Le diplomatiste a besoin d’une réelle collaboration avec l’informaticien. Souvent réclamée, cette exigence s’impose désormais à tous les stades de la recherche diplomatique : documentation, problématique, interrogation, publication, référencement… Espérons qu’Internet aidera à la prise de conscience qu’un réel soutien informatique de la part des institutions responsables est indispensable. Et gageons qu’il encouragera toujours plus les contacts et le nécessaire travail en équipe qui vivifie la méthode d’analyse initiée par Jean Mabillon il y a plus de 300 ans



[1]. Voir la liste de CD-Roms utiles aux diplomatistes établie dans ce numéro et l'article de Michele Ansani.

[2]. Le Liber Matriculae est en ligne depuis mai 2000
http://lettere.unipv.it/scrineum/LM/home.html. Le CD-Rom est distribué par la commune de Verceil : Comune di Vercelli - Settore Cultura, C.so Libertà 300, 13100 Vercelli - tel.: 0161 252622/252766 – email : cultvc@net4u.it

[3]http://www-igh.histsem.uni-bonn.de/wwwarnulfhinweisFR.asp - Heidrich Ingrid, Die Urkunden der Arnulfinger, Bad Münstereifel, 2001 - ISBN: 3-00-007891-6, 48 €.

[4]. Fuentes documentales medievales lancé par le CSIC / Departamento de Historia Medieval. Instituto de Historia http://www.ih.csic.es/departamentos/medieval/fmh/index.htm

[5]http://www.unicaen.fr/mrsh/crahm/revue/tabularia

[6]http://lettere.unipv.it/scrineum/scrineum.htm

 

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