Le Médiéviste et l’ordinateur
Le Médiéviste et l’ordinateurHistoire médiévale, informatique et nouvelles technologies
n° 40 (Automne 2001) : La numérisation des manuscrits médiévaux
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Numérisation des actes originaux antérieurs à 1220 conservés dans la série L des Archives nationales

Annie Dufour
IRHT

La conception d'une base informatisée d'actes originaux conservés dans les dépôts français remonte aux années 1960. Vers cette date, Lucie Fossier, détachée de l'IRHT à Nancy, a commencé, dans le cadre du CRAL (centre de recherches et d'applications linguistiques), à travailler à la mise au point du traitement des chartes par ordinateur pour les originaux du haut Moyen Âge. Le but était avant tout lexical : il s'agissait d'élaborer un dictionnaire de la langue diplomatique du haut Moyen Âge. La démarche partait de l'enquête dans les dépôts d'archives et de l'élaboration de bordereaux descriptifs. L'ARTEM et l'IRHT suivent encore actuellement les voies tracées, dans des perspectives un peu différentes, mais les deux instituts ont souvent mené une réflexion commune et leurs liens se sont concrétisés par la publication, en 1991, d'À propos des actes d'évêques, ouvrage de mélanges en l'honneur de Lucie Fossier, répertoriant les chartes épiscopales dans les diverses collections de la Bibliothèque nationale, et dans les dépôts d'archives nationales et départementales.

L'ARTEM s'était donné pour objectif de répertorier les actes antérieurs à 1121 conservés en France. Lucie Fossier, revenue à l'IRHT, décida de s'occuper du traitement des originaux antérieurs à 1221, conservés dans les séries L et S des Archives nationales, séries contenant les documents concernant pour la plupart les établissements ecclésiastiques du diocèse de Paris. Pourquoi 1221 ? Pour prolonger d'un siècle le travail de l'ARTEM et être sûr d'englober les actes non datés de la fin du XIIe ou du début du XIIIe siècle. Dans le cadre de la section de paléographie et dans le but de dater les manuscrits, F. Gasparri, G. Grand et D. Escudier avaient constitué en 1972 un inventaire analytique de ces deux séries, en opérant un classement par noms de lieux, un par nom de personnes, ainsi qu'un classement chronologique pour les actes royaux. Vers 1980, l'IRHT entreprenait le microfilmage systématique de ces documents recto et verso et leur tirage photographique. En même temps, la section d'informatique de l'IRHT, créée en 1970, travaillait àmettre au point un logiciel d'interrogation, destiné à la fois à exploiter les lettres communes des papes traitées par l'École française de Rome et les chartes antérieures à 1220.
Actuellement la base des originaux antérieurs à 1221 est achevée en ce qui concerne la série L. Elle traite environ 2 300 actes, contenus sous les cotes L 409 à 1045 des Archives nationales (les 400 premiers cartons provenant pour la plupart des Archives du Vatican ne seront pas dépouillés ; à l'exception des bulles, ils contiennent d'ailleurs peu de documents originaux intéressant la période antérieure à 1220). Ces actes concernent l'évêché de Paris, le chapitre de Notre-Dame, les collégiales, paroisses, abbayes et prieurés parisiens, les fonds les plus importants étant dans l'ordre ceux de Saint-Victor, Saint-Denis, Saint-Germain-des-Prés. Un certain nombre d'actes, groupés sous les cotes L 727-746 et L 964-1010, provenant d'un versement de la Bibliothèque Mazarine en 1834, concernent des diocèses autres que Paris : on y trouve en particulier quelque cinq cents actes intéressant l'abbaye de Savigny (Manche).
Pour chacun des actes une notice signalétique donne une brève description des caractères externes (dimensions, présence de signes de validation...), relève la date (telle qu'elle figure dans l'acte), l'auteur et le destinataire de l'acte, ainsi que leurs fonctions, le copiste, et cite les éditions les plus connues.
Les notices, enregistrées sous le logiciel CLEO, mis au point par l'IRHT, et actuellement converties en WORD, sont structurées en champs. Certains de ces champs peuvent être omis en l'absence d'informations correspondantes ; d'autres répétés grâce à un système dit des endoliens qui les lie entre eux à l'intérieur de la notice. Le système comprend également un code onomastique permettant un tri sur les mots et la fabrication d'index de noms propres. Il s'agit d'une valeur numérique affectée aux termes lors de l'entrée des données. Chaque chiffre correspond à une catégorie de termes : prénoms (unifiés), patronyme, vocable de l'établissement religieux, ville, diocèse, région, ordre religieux. À partir de ce système, assez lourd certes, on pouvait établir des listes chronologiques, des index généraux et particuliers (auteurs d'actes, charges des auteurs d'actes, destinataires...) et répondre aux besoins des chercheurs, désireux de constituer un corpus d'actes émanés d'un établissement à une période donnée, de se renseigner sur un personnage, une famille, ou le titulaire d'une fonction. Les champs validation ou commentaire contiennent également des éléments utiles à l'étude diplomatique (présence de chrismon, d'invocation, chyrographe...). Le traitement a longtemps pu être fait grâce au CIRCE(centre de calcul du CNRS disposant de gros ordinateurs) ; il nécessitait cependant une longue préparation et l'enquête ne se faisait pas en direct. Mais vers 1994, les laboratoires de sciences humaines ont dû rapatrier leurs bases du ciré. C'est alors que l'IRHT s'est rendu autonome sur le plan informatique, qu'il a commencé à fonctionner en réseau et qu'on a fait migrer sous ORACLE Medium (base de données sur les manuscrits médiévaux conservés sous forme de microfilms à l'irht) 1.
En ce qui concerne la base des actes antérieurs à 1220, il n'y a pas eu de recherches particulières. Les notices ont simplement commencé à être enregistrées sous WORD, beaucoup plus souple que CLEO. Les notices introduites sous CLEO pouvaient d'ailleurs être récupérées sous WORD. À plusieurs reprises, on a songé à employer le même logiciel d'interrogation que celui du CETEDOC, d'ailleurs utilisé à l'ARTEM. Mais l'idée germait en même temps de publier en collaboration avec les Archives nationales un CD-Rom, comprenant le corpus de documents originaux numérisés, la base textuelle, et un logiciel de recherche permettant l'interrogation croisée des données. La voie était d'ailleurs montrée par la publication du thesaurus diplomaticus, fournissant à la fois analyses, textes, indication des éditions et images des actes concernant l'ancienne Belgique. Dans le domaine de la diplomatique, l'avantage du CD-Rom est incontestable : la meilleure façon de répondre aux interrogations est d'associer aux réponses par une procédure simple et pratique la photographie des actes ; et l'étude des chancelleries et des écritures ne peut que s'enrichir de la comparaison d'actes conservés sous des cotes différentes.
La collaboration avec les Archives nationales a commencé à se concrétiser l'an dernier et un contrat entre les Archives nationales, l'IRHT et Brépols est maintenant établi.

EXEMPLES DE NOTICE

ENR 021
DEP Paris, A.N.
COT L 0422 n.57
DTE 1204*
DIM 205(35)x170
EGO 1Mich.,
CGO abb. 3S.Florentii 4Salmuren.
DES 1Od.,
CES ep. 5Parisien.
VAL d.q.(2)
/
ENR 138
DEP Paris, A.N.
COT L 0600, n° 1 (a)
DIM 400(40)x180
DTE 1142>1124
EGO 1Ste.,
CGO ep. 5Parisien.
ACT 1Ste.de 2Garlanda+,
CCT archidiacon. eccl. 3S.Marie+ 5Parisien.
DES presb. capelle 3S.Aniani 4Parisien. <que est domui ep. contigua>
VAL d.q.(1)
VAL chir. lat. g.
EDI Lasteyrie, n° 201
COM autre partie du chirographe : voir L 600, n° 1(b)

SIGNIFICATION DES CODES
Les champs marqués d'un astérique seront interrogeables

* DEP Lieu de conservation

* DTE Date de temps
* DLE Date de lieu
* GEN Éventuellement type d'acte (notice, lettre, mandement, vidimus)
* EGO Auteur de l'acte écrit, s'il est en même temps auteur de l'acte juridique
* CGO Charge de l'auteur de l'acte écrit
* ACT Auteur de l'action, lorsque l'auteur de l'acte écrit ne fait que la confirmer
* CCT Charge de cet auteur
* AAE Auteur de l'acte écrit, s'il n'est aucunement lié à l'action et ne fait que la notifier
* AAJ Auteur de l'acte juridique
* DES Destinataire
* CES Charge du destinataire

* COP Recognition du chancelier ou mention du copiste

Paris, Arch. nat. L 422, n° 57

 

1 . Voir M. Gougerot et J. Moureton, « L'adaptation d'une base de données : medium », dans Le Médiéviste et l'ordinateur, t. 31-32, 1995, p. 28-32.

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