Introduction : La numérisation des manuscrits médiévaux
Après une étape pionnière liée à la constitution de corpus d'images, les projets associant plus étroitement textes et images fleurissent aujourd'hui, mais dans un certain désordre. Le spectre des entreprises est des plus larges, selon que l'image du document est au coeur ou à la périphérie du dispositif, que le texte (édition ou inventaire) ouvre le chemin vers elle ou s'en assortit à la façon d'une pièce justificative. Il est tout aussi large selon les buts visés : enrichir les pratiques de l'édition scientifique, fournir un substitut à la consultation des collections originales d'un dépôt, mettre des pièces en corpus ou garder trace d'une exposition, renouveler la pratique pédagogique - quand il ne s'agit pas d'attirer le surfeur ou de proposer dix minutes de dépaysement...
Il était donc temps de mesurer le chemin parcouru et surtout les voies qui s'ouvrent. C'était le programme d'une première réunion, plus particulièrement prise en charge matériellement par l'École des chartes - ses partenaires prenant le relais pour les deux réunions suivantes -, avec le concours financier décisif de l'Institut national de l'histoire de l'art, qui nous a aussi accueillis dans ses locaux de la rue Vivienne, ce dont nous tenons à le remercier le plus chaleureusement.
Dans cette première réunion, nous n'avons pas voulu jouer les censeurs, ni refaire le chemin déjà parcouru 1. Nous n'avons pas plus capacité à édicter des règles ou des priorités, ni même à dresser un recensement 2. Il nous a semblé pourtant que le temps était venu d'une ébauche de confrontation et de réflexion sur les aspects qui, jusqu'à présent, avaient été les moins évoqués : aux côtés des images proprement dites, le secteur des textes écrits, manuscrits« littéraires » et documents d'archives, avec leur annexe sigillographique ; par-delà les aspects juridiques, par-delà les contraintes et attentes techniques (les aspects de « fabrication », pour autant d'ailleurs que l'on puisse les mettre à part), la question centrale du « montage » intellectuel et des attentes des chercheurs : quels documents et domaines couvrir, quels accès (interrogation, utilisation) prévoir, pour qui et pour quoi ? Car s'il est (relativement) facile de numériser, il l'est beaucoup moins de bâtir un système permettant la navigation entre texte et image, voire, tout simplement, l'accès pertinent à l'image, tenant compte aussi bien des autres entreprises en cours.
Dans cet esprit, nous avons dû opérer des choix. Le premier est sans doute celui qui prête le plus à discussion : désirant défricher le terrain et créer une dynamique plus que dresser des panoramas ou des bilans, nous avons pris et assumons entièrement le risque d'un gallo- (ou plutôt gallo-belgo-) centrisme délibéré, qui n'a eu d'autre motif que pratique, celui de permettre une réunion assez légère, préludant nous l'espérons à d'autres plus amples. Le second a, nous l'espérons, une réelle cohérence intellectuelle : il a été d'associer non seulement le Moyen Âge et l'époque moderne (celle-ci encore un peu à la traîne, nous a-t-il semblé, sauf naturellement aux Archives), tous les types de documents et manuscrits, mais encore des rapports généraux, qui recensent les problèmes et les attentes, et des présentations, centrées sur une ou plusieurs entreprises et qui, loin de la promotion et de la monographie, dégagent problématiques et difficultés.
Olivier Guyotjeannin et Élisabeth Lalou
1 .Voir en particulier la richesse des matériaux réunis par Jacques André et Marie-Anne Chabin, Les documents anciens, n° spécial de Document numérique, t. 3, n° 1-2, juin 1999.
2 .Pour les réalisations en ligne, voir l'inventaire critique proposé sur le site Menestrel : http://www.ccr.jussieu/urfist/mediev.htm et les numéros du Médiéviste et l'Ordinateur.